Très peu de route aujourd'hui, à peine plus d'une heure...
Afin de ne pas arriver trop tôt chez l'habitant, nous flânons le long du littoral, où je suis agréablement surprise de pouvoir admirer une belle nature, avant de nous arrêter dans une crique à environ 4 km de la belle et célèbre plage Ancon.
Ici juste quelques parasols (payants), et 2 ou 3 couples. Un petit paradis.
Une petite sieste s'impose après la mauvaise nuit que nous avons passée. Et puis je sors mon matos de snorkeling, et m'aventure dans les eaux chaudes et limpides....
Un peu effrayée par la curiosité de très gros poissons, je ne reste pas très longtemps ...eh ho, c'est qui qui fait du snorkeling? Eux ou moi? A moins qu'ils ne soient intrigués par cet étrange masque rose qui me bouffe le visage, dernière nouveauté de chez Decathlon ??
Quelques criques plus loin, non ce n'est pas un mirage, un snack (le Cariban Grill) avec des boissons fraiches et une petite carte de casse-croute nous appelle.
L'accueil est on ne peut plus froid, mais le poulet creole excellent!
Le ventre plein, vamos chez Ramonita!
La rue est très passante, impossible de se garer, s'arrêter est déjà stressant. La porte ne paie pas de mine.
On toque longtemps sans succès. Puis on aperçoit la sonnette tout en haut à gauche (je dois me mettre sur la pointe des pieds). On se regarde un instant, inquiets, quand s'ouvre enfin la porte sur un salon sombre avec des meubles austères..
Pablo nous prend les valises et propose de suite à Stef d'aller parquer la voiture dans la cour d'un voisin, moyennant 2 CUC / jour.
C'est là qu'arrive Ramona, surnommée Ramonita. Un personnage! Haute comme 3 pommes, le regard pétillant, la voix rauque, elle tient la maison d'une poigne de velours, se déplaçant d'un pas alerte mais comme si elle marchait sur des patins....
"vous êtes ici chez vous" dit elle et c'est bien la première fois que cette remarque me semble VRAIMENT sincère. Ramonita m'entraîne à travers le salon qui débouche sur un patio éblouissant de lumière et de fraîcheur.
Tu m'étonnes qu'elle ne nous entendait pas toquer, la maison est immense, comparée aux autres casas. Car doña Ramona vit dans une demeure coloniale!
La chambre se trouve juste à l'entrée du patio, face à un joli palmier, derrière une petite terrasse avec une table basse et 2 rockingchairs. Elle est un peu sombre et je m'y sens à l'étroit car nous sommes sur le passage et je manque d'intimité (rappelons que les fenêtres ne disposent pas de vitres). Par ailleurs il n'y a pas trop de place pour les valises. Cependant la salle de bains est sympa avec une étagère pour ranger tous ses produits de toilette et une grande porte à double battants en bois qui s'ouvre sur le patio.
La douche a une bonne pression d'eau le matin, (la 1ère douche sera genre pipi de chat et froide, à notre arrivée) et les serviettes sont propres et douces.
Dans le prolongement du patio, une belle salle à manger rustique avec un mur d'assiettes décoratives et une cuisine très lumineuse et aérée, puis un jardin (où il y a encore 2 chambres) au fond duquel on peut suspendre son linge. Ici manguier et avocatier coulent des jours paisibles...
Dire que je m'y sens bien de suite serait mentir, mais la gentillesse de la vieille dame me va droit au cœur.
Nous décidons enfin de nous rendre dans le centre. L'après-midi touche à sa fin, le ciel est couvert. Nous longeons la route principale, les maisons colorées avant de bifurquer vers la place Cespedes.
Enfin arrivent les ruelles étroites, où les pavés inégaux remplacent le macadam, au grand dam des taxis vélos qui souffrent en pédalant comme des forcenés pour faire quelques mètres.
Forcenés....Cette ville a un lourd passé d’esclavagisme (il y a toujours des cultures sucrières dans la région). A mesure que nous avançons mes pas se font lourds, les murs camaïeux m'enveloppent, le vent caresse mon visage et je me sens envahie par une vague de mélancolie indescriptible.
Je suis consciente de la chance qui se présente à moi, fouler les pavés de Trinidad, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO et me fondre dans la foule, quel bonheur...
Et au bout de la rue, majestueuse, la place centrale Mayor. Je reçois en vrac la beauté insolente de ce lieu chargé d'histoire, le ciel gris et menaçant accentuant les couleurs vives des magnifiques bâtiments de l'époque coloniale, cette foule cosmopolite qui s'agite, et couvrant le brouhaha, la musique d'un groupe jouant des airs de salsa, en live, en haut des marches.
C'est beau, gai et triste à la fois. Ma gorge se serre et l'émotion me submerge alors.
Je suis engloutie dans une machine à remonter le temps, ici et maintenant, les aiguilles des montres se sont arrêtées...
On a l'impression que rien n’a bougé depuis … longtemps. Dans les rues des couples dansent, des vieux fument le cigare sur le perron devant leur maison fatiguée, des peintres esquissent un indémodable Che Guevarra, des échoppes de dentelles invitent le visiteur à entrer, des serveurs tendent des mojitos tous prêts aux passants.. .
Il me manque les mots pour décrire l'atmosphère qui règne dans cette ville; on se sent happés par une allégresse, une paix, une harmonie avec ce qui nous entoure. J'en suis bouleversée.
Des artistes se regroupent un peu partout, juste pour le plaisir d'être ensemble, le plaisir de jouer.
Le soleil se couchant doucement derrière le massif de l'Escambray et la jolie place Mayor, nous quittons ces 4 musiciens avec regret.
Nous rentrons avant la nuit pour retrouver l'oasis de fraicheur du patio de Ramonita. Deux cuisinières s'activent aux fourneaux pour nous et des touristes Allemands.
Les "filles" nous servent d'abord une belle salade variée (ça nous change du traditionnel concombre - tomate que nous avions jusqu'à présent), suivi d'une délicieuse soupe au poulet et légumes, puis d'une langouste à tomber accompagnée de riz, pommes de terres et tarot, avant de finir par une glace à la cannelle.
Et si pour digérer nous allions faire un tour en ville? Vamos!
De la musique et des rires s'échappent de part et d'autre des cafés restaurants tapissant les rues.
Quelle quiétude, quelle sérénité, quelle ambiance de joie, d'insouciance, en dépit des difficultés que rencontrent les Cubains. Quelle belle leçon de vie.
Nous nous posons alors sur les marches de l'incontournable casa de la musica, là ou tous les jours et à toute heure se suivent et s'enchaînent des concerts gratuits en plein air.
Inutile d'espérer une table, c'est bondé. Mais il est agréable de s'assoir sur les pierres encore chaudes des escaliers, de se laisser bercer par les sons latinos en observant des couples cosmopolites évoluer avec grâce sur la piste de danse qui ne désemplit pas.
Et les serveurs viennent même vous servir le mojito par terre (bien que ce ne soit pas le meilleur qu'il m'est été donné de déguster aux Caraïbes)!
Le lendemain matin le guide francophone qui devait nous conter Trinidad nous fait faux bond.
Soit, le centre est petit, nous visiterons tous seuls.
Au petit matin la casa de la musica est bien déserte.; ça ne va pas durer...
Gros son par contre déjà, à la hauteur du Palenque de los Congos Reales, où les danseuses s'entrainent pour le spectacle Afro-Cubain du soir, sous la chaleur suffocante d'un toit de tôle!
Dans les ruelles jouxtant la place se tiennent chaque jour des marchés d'artisanat, juste à côté des boutiques de souvenirs, des cafés et terrasses, des échoppes d'art et de peinture.
Ce mélange d'objets créatifs et colorés étalé sur des stands attire l'œil en accentuant ce climat de tranquille errance, de liberté et d'oisiveté. Qu'il est exquis de flâner sereinement dans cette ville qui n'a pas perdu son âme, malgré l'affluence touristique.
Afin d'avoir une vue sur la ville, nous entrons dans le musée de la luche contra bandidos, et montons dans la tour (photo de droite ci-dessus). Le musée expose toute sorte d'objets ayant appartenus aux révolutionnaires dans les années 60 et relate les combats ayant eu lieu dans les montagnes de l'Escambrey.
Mais nous sommes plus intéressés par les cloches de l'ancien couvent, par la vue sur la ville et le massif...
En redescendant nous faisons connaissance avec quelques locaux, personnages charismatiques,
et tentons d'avoir leur classe...En vain!
muy guapo !
Raté! Il nous manque encore quelques rides et le beau costume rayé Borsalino qui va bien avec ;=)
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Il se fait soif et à la recherche d'une terrasse rafraichissante, nous (surtout lui) tombons en amour avec une divine Harley Davidson...
Mon homme ne partira pas d'ici avant d'avoir eu une conversation avec le propriétaire. Heureusement, ce dernier travaille dans le restaurant... et nous invite à passer chez lui!
Rencontre avec son épouse (aux boucles d'oreilles Harley) et son père, ancien révolutionnaire, fier de nous montrer une photo de lui aux côtés de Fidel !
Le couple fait également chambre d'hôtes (à 2km des plages) et reçoit les touristes à moto circulant avec le fils du Che, voyagiste spécialiste moto, basé à la Havane.
Ce soir nous dînons en ville, au paladar Esquerra (là ou était garée la moto), langouste-poisson,-crevettes pour Stef, Poulet napolitain pour moi, avec un flan divin en dessert et une addition légère (moins de 35 CUC), avant de nous fondre dans la foule de la casa de la musica, inlassablement jusqu'au bout de la nuit...
A notre retour à la casa, Ramonita et sa famille sont toujours devant la télé dans les rockingchairs, il est 1H du matin...Les draps et serviettes ont été changés, mon grand sac plein de linge sale est lavé (à la main) et repassé...
Comme à l'hôtel!
5H du matin, gros ramdam! Quèsaco? Le camion citerne vient livrer l'eau, située dans des cuves sur le toit.
Et oui pauvre touriste occidental, es Cuba!
Essayons encore de dormir un peu, à 8H nous partons en catamaran à Cayo Blanco, une île vierge où l'on peut observer des iguanes.
El gato (le chat) semble aussi encore un peu dans les choux ce matin.
Il nous fait quand même l'honneur d'une salutation ronronnante.
hhhhhh si notre chien voyait ça!!!!
Le gargantuesque petit déjeuner englouti, nous récupérons la voiture et nous dirigeons vers la marina (env. 4 km).
Là nous sommes surpris par le nombre de taxi "Americaine", notre MG restera la seule voiture moderne sur le parking. Un catamaran nous attend et nous prenons le large avec une vingtaine de touristes.
Embarquement immédiat, musique et rhum à volonté à bord!
Nous rentrons à la casa le cœur en joie.
Doña Ramonita, qui nous avait dit que le cayo était muy lindo, est curieuse de nos impressions.
Nous lui montrons des photos sur le smartphone et elle fait la grimace devant les iguanes ;=)
Nous nous sentons bien à la casa. Balayé le sentiment de promiscuité et le manque d'intimité, nous nous sentons vraiment en famille et nous attachons toujours plus...
Nous dînons sur place, leur laissant le choix de cuisiner ce dont ils ont envie.
Un délicieux cerdo (porc) en sauce, avec des frites et de la salade nous régale les papilles. Soupe et dessert compris.
En outre nous avons la chance de converser longuement avec Pablo que nous avions trouvé plus ou moins discret, voir distant, peut-être timide.
Ramonita conversant sans discretion au téléphone avec un proche, lance un tonitruant " comment c'est en Espagne?".
Le sujet est lancé. Pablo nous demande alors si nous avions été dans ce pays et nous lui montrons quelques images de Barcelone ou Séville, puis discutons longuement de bouffe, jambon ibérique et autres douceurs...
Nous passons une bien belle soirée et nous embrassons en nous quittant.
Encore une fois je suis surprise par l'intérêt des Cubains, leur curiosité vis à vis du monde extérieur, surprise de leurs connaissances quasi nulles quand bien même ils sont instruits et intelligents.
Malgré la télé (les chaînes sont elles contrôlées par l'état?).
Et leur tristesse, quand ils se sentent en confiance et se livrent un peu plus, néanmoins sans mélo, me peine énormément. Pablo m'a vraiment touchée ce soir.
Demain nous partons faire l'excursion des Trinitopes, une sortie guidée et francophone incluant une petite rando à Topes de Collantes jusqu'à la chute de Caburni (62 m de hauteur), avec baignade.
De retour de notre petite rando (à peine 6 km), nous sirotons un mojito sur nos rockingchairs un peu mélancoliques à l'idée de quitter cet endroit demain.
Stef qui s'est attaché aussi à la vieille dame ne manque pas de la faire rire.
Alors que je suis sous la douche j'entends un rire tonitruant: mon mari se balance en slip dans le patio avec du vernis à ongles rose sur les pieds...
Il déchantera lorsque je lui dirai que je n'ai pas emmené de dissolvant!
Ramonita nous promet un plat Cubain par excellence depuis hier. Un picadillo à la Havanaise.
Je m'imagine des tapas et m'attend à manger froid.
A notre grande surprise un grand plat de viande hachée fumant arrive sur la table (veau et porc), genre bolognaise. Très très bon, comme toujours nous sortons repus de table et allons faire un tour en ville, encore nous imprégner une dernière fois de cette ambiance si chaleureuse, sereine et particulaire.
Alors que je croyais les cadrans horaires arrêtés ici, à mon grand dam le jour de la séparation est arrivé.
J'ai vraiment le cœur lourd.
Pablo et sa maman sont sur le point de construire une chambre supplémentaire au fond du jardin. Ils nous la réservent pour notre prochaine visite, promettent-ils. J'ai la larme à l'œil.
En route pour Cayo Santa Maria. Nous allons traverser l'île ...